L’industrie du cannabis tend à se montrer très innovatrice. Les différentes entreprises qui évoluent dans ce secteur utilisent les nouvelles technologies pour développer leurs produits, y compris la nanotechnologie. Une entreprise canadienne invite cependant ses compétiteurs à se montrer prudents avec cette approche. Bien que la nanotechnologie semble prometteuse pour les aliments au cannabis, il serait sage de favoriser des alternatives moins invasives.
Deux approches distinctes
Les scientifiques de Trait Biosciences tentent depuis quelques années de développer une solution aqueuse dans laquelle les cannabinoïdes pourraient être intégrés. Ajouter ces derniers dans une boisson deviendrait alors un jeu d‘enfant, ou presque. Ce processus nommé glycosylation fonctionne par l’ajout d’une molécule de sucre aux cannabinoïdes. Cela permet de rendre les cannabinoïdes solubles dans l’eau. Il s’agit d’une solution simple et efficace qui pourrait rapidement s’imposer dans l’industrie alimentaire. Après beaucoup d’efforts et d’investissements, il semble que le projet soit un succès. La présentation des premiers prototypes s’est déroulée hier, en Californie.
Le docteur Richard Sayre est le responsable scientifique en chef de Trait Biosciences. Il a profité de cette occasion pour expliquer que plusieurs entreprises tentent d’utiliser la nanotechnologie pour parvenir au même résultat. Par exemple, il est déjà possible de se procurer des bouteilles d’eau contenant du CBD aux États-Unis. Certaines compagnies infusent ces dernières à l’aide de la nanotechnologie. De minuscules nanoparticules sont ajoutées aux cannabinoïdes. En procédant ainsi, l’organisme humain peut absorber le CBD beaucoup plus efficacement que s’il serait simplement consommé dans une huile.
La biodisponibilité de l’eau au CBD est de loin supérieure aux huiles traditionnelles à base de CBD. Ce terme scientifique fait référence au dosage de la substance qui atteint de manière effective la circulation sanguine. Ainsi, une simple salade contenant du cannabidiol a une biodisponibilité inférieure à l’eau au CBD. Avec cette dernière, votre corps absorbe un plus grand pourcentage du CBD ingéré. En théorie, boire une eau chargée de nanoparticules vous permet de ressentir les effets du cannabinoïde plus rapidement qu’en l’ingérant traditionnellement.
Cette approche présente certains risques, et le docteur Sayre estime que les consommateurs devraient en être conscients. Il mentionne par exemple que les nanoparticules peuvent facilement pénétrer dans différents types de tissus. Il est possible que cela devienne particulièrement problématique si les gens se mettent à consommer en grande quantité des aliments au CBD ou au THC. S’il est vrai que cette technologie a déjà été approuvée pour l’administration de médicaments, elle n’a jamais été testée dans un contexte de consommation de masse.
Une controverse scientifique
Les experts du Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux (CSRSEN) s’inquiètent d’une possible utilisation des nanotechnologies par l’industrie alimentaire. Selon les scientifiques rattachés à cette organisation, il est difficile de déterminer si les nanoparticules sont bel et bien évacuées de l’organisme ou si elles y demeurent pendant des années.
Nous savons déjà que ces corps étrangers miniatures peuvent causer des dommages au cerveau, des défaillances du système immunitaire, et même empoisonner les organes. Généralement, les particules utilisées par la nanotechnologie alimentaire mesurent moins de 200 nanomètres. En comparaison, un cheveu humain mesure environ 70 000 nanomètres de largeur.
Alternativement, un rapport de l’OCDE souligne qu’il est trop tôt pour déterminer si les nanoparticules peuvent être transmises d’une mère enceinte à son bébé. De plus, ce même rapport suggère que jusqu’à maintenant, personne n’a pu déterminer si ces corps étrangers s’accumulent dans les organes comme les poumons, le foie ou le cerveau.
Pas de réglementation
Pour le moment, Santé Canada n’impose pas de règles particulières aux entreprises qui désirent utiliser la nanotechnologie dans une optique alimentaire. Si le projet de loi visant à légaliser les aliments au cannabis ne prend pas en compte de point, rien n’empêchera les compagnies d’utiliser à volonté les nanoparticules. Ce point inquiète particulièrement Ronan Levy, un autre représentant de Trait Biosciences. Il estime que les consommateurs ne devraient pas ingérer massivement des nanoparticules alors que des alternatives existent. Bien que ce dernier prêche clairement pour sa paroisse, il est vrai qu’il y a matière à réflexion.
Le docteur Anubhav Pratap Singh est du même avis. Ce scientifique affilié à l’University of B.C croit que les nanoparticules de moins de 100 nanomètres peuvent entrer dans les cellules et contaminer les organes humains. Comme cette technologie est très jeune, il n’y a pas de règles strictes pour la réguler. Singh estime que dans le doute, il serait sage de conduire des essais cliniques avant de se lancer dans une production massive de boissons remplies de nanoparticules. Ceci dit, le docteur estime que cette préoccupation est secondaire. Les risques d’empoisonnement sont surtout influencés par les techniques de production.
En conclusion, il semble que même la communauté scientifique comprend mal les tenants et aboutissants de la nanotechnologie. Il serait donc sage d’éviter de se gaver de boissons au cannabis si ces dernières sont également bourrées de nanoparticules! Fort heureusement, le processus alternatif développé par Trait Biosciences pourrait éliminer ce problème.
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