Après une centaine d’années de prohibition, le cannabis fera très bientôt un retour fracassant au Canada. Pour bien des gens qui ne sont pas familiers avec cette substance, il s’agit d’une nouveauté. Cependant, d’un point de vue historique, cette plante a contribué à l’économie de notre pays depuis les débuts de la Nouvelle-France. Voici un survol rapide de l’histoire du cannabis au Canada!
Le chanvre, une nécessité pour les colons européens
Selon certains, les premières mentions du chanvre au Canada pourraient dater du 16e siècle. Le célèbre explorateur français Jacques Cartier mentionnait dans son journal de voyage qu’il pouvait observer de la hempe sur les abords du fleuve Saint-Laurent. Cela dit, nous ne savons pas s’il faisait référence spécifiquement au chanvre ou à une quelconque plante fibreuse qui y ressemblait. Étonnamment, personne ne sait si le cannabis poussait naturellement dans notre région ou s’il a été importé par les explorateurs européens.
Une chose est certaine, le chanvre s’est vite imposé comme une nécessité pour les colons européens. Déjà en 1606, le botaniste parisien Louis Hebert inaugurait la première plantation de chanvre officielle au Canada. Lui et sa famille cultivaient cette plante à Port-Royal, en Nouvelle-Écosse. Les graines et les fleurs étaient alors utilisées à la fois comme aliments et comme remèdes. Les protéines et les acides gras essentiels contenus dans les graines de chanvre étaient essentiels pour survivre aux rudes hivers.
Une production accrue
Dès le début du 17e siècle, le chanvre était abondamment cultivé en Amérique, incluant en Nouvelle-France. Les puissances européennes avaient besoin d’énormes quantités des fibres de cette plante afin de produire assez de voiles et de cordages pour équiper leurs navires commerciaux et militaires. Cette demande allait d’ailleurs croître en raison des conflits qui opposèrent la France à l’Angleterre.
À l’époque, la France octroyait d’ailleurs des avantages économiques aux cultivateurs qui faisaient pousser de grandes quantités de chanvre. Ceux qui ignoraient cette culture et qui faisaient seulement pousser de la nourriture s’exposaient à des pénalités. À un certain moment, Jean Talon, l’administrateur de Québec, prit même la décision de confisquer tout le fil à tisser des artisans de la colonie. Le seul moyen de s’en procurer était d’offrir du chanvre en échange. Ainsi, malgré que le processus pour raffiner la fibre de chanvre était long et exigeant, le jeu en valait la chandelle étant donné les multiples usages de ce matériau.
La soudaine interdiction du cannabis
Au début du XXe siècle, le cannabis était encore parfaitement légal d’un point de vue médical et récréatif. On pouvait alors s’en procurer aussi facilement que de la morphine, de la codéine ou de l’opium. Comme l’abus de ces substances faisait des ravages dans la population, une série de lois furent promulguées entre 1908 et 1923. C’est à cette date que le cannabis fût finalement ajouté à la liste des substances interdites.
C’est Henri-Séverin Béland, le ministre de la Santé de l’époque, qui ajouta cette plante à la liste des interdictions. Ce changement se fit à la dernière minute afin de consolider la nouvelle loi. Rappelons qu’à cette époque, la fibre de chanvre était toujours utile, mais moins essentielle. Les navires transatlantiques fonctionnaient désormais à la vapeur. L’époque des grands bateaux à voiles était révolue.
Selon Dan Malleck, un professeur au Département des sciences de la santé de l’Université Brock et auteur du livre When Good Drugs Go Bad, le Canada a simplement copié des lois similaires qui venaient d’être officialisées aux États-Unis. À cette époque, des voix s’élevaient pour dénoncer la consommation de drogues au sud de la frontière.
Emily Murphy, une juge albertaine, avait d’ailleurs lancé une campagne contre cette plante pendant les années 20. Elle jugeait que le cannabis était source de décadence morale. Parallèlement, le mouvement prohibitionniste américain faisait des pressions sur le gouvernement canadien afin qu’il ajoute le cannabis à la liste des substances interdites. Finalement, ces efforts concertés auront eu raison de la culture du cannabis, du moins d’un point de vue légal. Parions que les détracteurs de cette plante se retourneront bientôt dans leurs tombes!
Sources : Bloc Pot, Cannabis Culture et Radio-Canada