Serge Simon, le Grand Chef mohawk de Kanesatake, envisage l’adoption de mesures exceptionnelles pour stopper la contrebande de cannabis dans sa réserve. Rappelons que depuis quelques mois, monsieur Simon émet des inquiétudes à propos du projet de loi C-45 qui légalisera la marijuana récréative dès le 17 octobre prochain.
Le cannabis, une question épineuse en territoire autochtone
Déjà en avril dernier, quelques petits commerces proposaient du cannabis médical sur le territoire de Kanesatake. Une équipe du Journal de Montréal avait d’ailleurs visité l’un de ces établissements. Il était possible de s’y procurer plusieurs produits alimentaires fabriqués à base de cannabis. Clifton Ariwakehte Nicholas, le propriétaire, soutenait alors que ces produits étaient destinés à des usages purement médicaux et qu’il vérifiait l’âge des clients avant de procéder à des transactions.
Interrogé à propos de ses motivations, Nicholas affirmait que sa démarche était surtout motivée par une volonté de faire valoir ses droits ancestraux. Il mentionnait d’ailleurs être prêt à toutes les éventualités et n’avoir pas hésité à prendre les armes lors de la crise d’Oka des années 90. Armé de son AK-47, il était alors prêt à mourir pour la cause. Lui et plusieurs de ses concitoyens traditionalistes ne reconnaissent pas l’autorité du gouvernement fédéral sur le territoire de la réserve de Kanesatake. Pour ces Mohawks, la vente de cannabis est directement reliée à leur indépendance territoriale.
Une position qui ne fait pas l’unanimité
Selon le Grand Chef Serge Simon, cette situation est inadmissible. Il croit d’ailleurs qu’étant donné le faible revenu des habitants de sa réserve, il est plus que probable que plusieurs décident de se lancer dans le trafic ou même la production illégale de marijuana.
Dans ce contexte, Simon a interpellé le premier ministre Justin Trudeau. Il a entre autres exigé que la légalisation du cannabis soit repoussée d’une année afin de lui permettre de mieux préparer la transition vers une économie légale. Monsieur Trudeau s’est contenté de répondre que le projet de loi C-45 vise justement à empêcher le crime organisé de bénéficier du marché noir de la marijuana, en plus de protéger la santé des jeunes Canadiens.
Des mesures exceptionnelles envisagées
Peu satisfait de la réponse du premier ministre, le Grand Chef Simon a déclaré la semaine dernière qu’il songeait à créer une patrouille armée qui aurait pour mission d’empêcher la vente de cannabis sur son territoire. Cette déclaration est particulièrement audacieuse. En effet, le précédent Grand Chef de la réserve, James Gabriel, avait dû réquisitionner les Peacekeepers d’autres réserves québécoises afin de désarmer l’ancienne patrouille de Kanasateke qu’il suspectait de corruption. Au final, les Peacekeepers de Gabriel avaient été assiégés dans un poste de police et le domicile du Grand Chef fut incendié.
Le cannabis, une nécessité économique?
Un peu partout au Canada, plusieurs communautés autochtones se lancent dans le commerce du cannabis. Pour ces dernières, il s’agit d’une nécessité économique. Par exemple, les Amérindiens de la réserve de Tyendinaga en Ontario connaissent une situation semblable. En un an seulement, une quarantaine de boutiques de cannabis ont ouvert leurs portes sur la réserve. Serge Simon croit que cette tendance s’explique par les pertes de revenus reliés au tabac. Depuis quelques années, cette substance est de moins en moins populaire. Si à l’époque un carton de cigarette pouvait se vendre aux alentours de 10$, de nos jours ces mêmes produits ne rapportent qu’environ 2$ par unité. Les entrepreneurs autochtones se tournent donc vers la marijuana récréative pour renflouer leurs coffres.
Dans un communiqué, les responsables de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador affirment se ranger du côté de Serge Simon. Selon Ghislain Picard, le chef de l’association, le gouvernement Trudeau ne donne pas assez de ressources aux communautés autochtones afin qu’elles puissent se préparer efficacement à la légalisation du cannabis.
Sources : TVA, Montreal Gazette 1, Montreal Gazette 2 et Journal de Montréal